L'invité du mardi : "A faire lire à tous les journalistes" par Philippe Couve
J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel √¢ge de la vie. Paul Nizan, Aden Arabie, 1931
Je ne connais pas Rebekah Monson.
Je sais ce que je lis d'elle sur son blog: c'est une jeune journaliste; elle est américaine; elle n'est pas encore trentenaire; et elle est une parfaite représentante de la génération Y, celle dont on scrute les pratiques parce qu'il s'agit de la première génération digitale. Sur son blog, elle vient de publier un post qui tente de nous faire comprendre à nous (quarantenaires et plus) ce qui anime sa génération. Twentysomething: How my generation works est passionnant.
En voici quelques extraits (c'est une adaptation plus qu'une traduction).
- Vous devez comprendre que nous ne démarrons pas dans la vie avec une attitude très positive. Au cours de nos courtes carrières, nous avons déjà été licenciés ou au moins nous avons eu peur de l'être. Nous avons vu nos parents confrontés à des plans sociaux et virés par des entreprises qu'ils avaient contribué à développer. Nous ne sommes pas parvenus à obtenir un boulot après avoir fait ce qu'on nous avait conseillé de faire -des études, des stages, du bénévolat, du tutorat, etc.
- Les chefs d'entreprise nous ont bien fait comprendre que personne dans notre génération n'aurait une Rolex. Nous n'avons aucune illusion sur ce point. Beaucoup d'entre nous n'arrivent pas à obtenir une rémunération de survie et personne ne croit que les choses vont s'améliorer.
- Pourquoi ferions nous du travail une priorité dans nos vies quand il est impossible de se projeter dans une carrière à long terme?
- Personne dans ma génération ne pense que les patrons manifestent le moindre intérêt pour nous en tant qu'êtres humains. Nous acceptons d'être des chiffres dans une feuille Excel mais qu'on ne nous demande pas d'aimer ça.
L'auteur est donc une jeune journaliste (elle annonce 7 ans d'expérience sur son CV). Je termine la lecture de ce témoignage avec une drôle d'impression à quelques jours de ma rentrée "scolaire" devant de jeunes étudiants en journalisme. Je me demande si je ne vais pas commencer l'année en leur faisant lire et commenter ce témoignage. Autant qu'ils sachent, non?
Philippe Couve*
*Philippe Couve est journaliste, consultant, formateur et blogueur sur Samsa. Après avoir créé l'Atelier des médias sur RFI, aujourd'hui il conseille LeMonde.fr, collabore avec Rue89.com, enseigne à l'école de journalisme de Sciences Po et prépare un rapport sur les nouveaux modèles économiques des médias.
[Photo: Steve Snodgrass via Flickr ]